« À une époque où foisonnent les créations originales proposant de jouer sans MJ, de se partager sa tâche à tour de rôle, de jouer seul ou sans dés, comment peut-on qualifier Yuigahama Bad Seeds ?
J'ai tendance à considérer ce jeu comme faisant partie de la mouvance narrativiste,
dans la mesure où les participants autres que le MJ peuvent influer sur les ressorts
narratifs par le biais de différents leviers. De manière ponctuelle, ils sont même autorisés (encouragés !) à modifier le contenu d'une scène. Cela est fait en accord avec le MJ qui peut ou non valider la proposition du joueur selon la vraisemblance de ce qu'il propose.
Le système du jeu est simple et ne vise pas à simuler précisément les actions des joueurs, mais à maintenir une certaine fluidité des échanges et des interactions (et aussi l’entraide !)
Le plaisir de jeter des dés et de s'en remettre au hasard n'est pas absent, mais c'est bien une forme de narration construite par les participants et orchestrée par le MJ qui prend le pas sur le côté technique de la partie.
YBS n'est pas un jeu "free form". Il possède des balises qui, bien que peu contraignantes, permettent à la fois au joueur de savoir précisément en quoi il peut influer sur le cours de l'histoire et au MJ d'éviter les "débordements". En plus des jets de dés, YBS propose l'utilisation d'une monnaie d'échange nommée "jetons Unmei" (jetons de destin). Elle s’échange entre participants ou peut être donnée par le maître du jeu (qui fait office de « banque ») lorsque ce dernier se sert de l’attribut d’un PJ pour le mettre en difficulté. Ces jetons peuvent être utilisés durant les jets et servir pour changer le cadrage d’une scène. Le MJ restant la personne qui valide, on peut dire qu'YBS reste assez classique. Mais le jeu propose une mécanique originale (dont tous les éléments ne sont pas présentés ici) où le joueur peut, s'il le désire, ajouter des détails à l'intrigue et influer sur le cours du récit, davantage que dans de nombreux autres jeux. »
« Différentes facettes de l’univers de YBS ont été évoquées lors des précédents billets, mais je n’ai pas encore présenté les éléments antagonistes qu’affronteront les PJ au cours de leur « séjour » à Yuigahama. Bien sûr, ils feront face aux bouleversements supposément environnementaux qu’a provoqués la catastrophe initiale. Un mal sournois et insaisissable ronge la cité, les infrastructures de la ville semblent péricliter et les habitants sont sujets à des troubles jusque-là encore jamais éprouvés. Mais, concrètement, contre quoi ou qui vont se battre les PJ ? Y-a-t’il un bestiaire dans Yuigahama Bad Seeds ?
Le bestiaire, au sens classique du terme, n’existe pas dans YBS. Tout simplement parce que les animaux ont toujours été présents dans les différentes zones de la ville et que l’on ne considère pas ici l’humain comme un potentiel monstre errant. Les animaux utilisés dans les scénarios surgissent de manière incongrue en ville et peuvent parfois représenter une menace. Mais ils ne constituent en rien des catégories d’êtres vivants répertoriées et connues en tant qu’ennemis. Ils sont en général aussi déboussolés que la population et peuvent débouler devant les PJ sur les sentiers forestiers, ou même dans les quartiers ou la zone côtière.
YBS n’utilise pas le foisonnement de monstres contenus dans un bestiaire comme centre d’intérêt du jeu. Les animaux au comportement parfois étrange sont à l’image des entités s’opposant à Ico et Yorda dans « ICO » : ce n’est pas le nombre de leurs variations qui présente un intérêt, mais plutôt leur nature parfois corrompue. A contrario, le MJ est tout à fait libre d’ajouter les variétés d’animaux qui lui plaisent aux iguanes, araignées et créatures aquatiques peuplant les récits d’YBS.
S’il y a un ennemi dans Yuigahama Bad Seeds, c’est bien l’humain lui-même, qu’il s’agisse des bandes ou d’habitants sans histoire ayant perdu leurs nerfs.
Il est à noter qu’YBS n’encourage pas la violence, quand bien même les armes (souvent du matériel de récup’) existeraient et seraient à disposition des PJ. Le but est souvent d’être dissuasif, d’éviter les conflits pour progresser vers son objectif. Etre prêt à en découdre ne coûte rien. Utiliser sa tête autant que possible est recommandé (non, je ne parle pas de coups de boule !) »
« Aujourd'hui, je souhaite vous parler brièvement des visuels retenus pour la couverture
et l'écran de Yuigahama Bad Seeds. Le contraste entre les deux atmosphères peut étonner ! La couverture présente des personnages devant les bâtiments proches de la marina. Les couleurs sont vives, le soleil haut dans le ciel, on peut imaginer le cri des mouettes et l'odeur de l'iode. C'est l'aspect "paradisiaque" de la cité balnéaire. Les personnages sont d'âges et de sexes différents et apparemment des habitants lambda plus que des aventuriers. L'un d'eux relève son masque d'ogre et invite à faire un pas en avant pour pénétrer dans la zone. Il n'y a pas à première vue de menace aux alentours. Mais en y regardant de plus près, d'étranges lianes-filaments semblent parcourir le sol et la façade en arrière-plan. En 4eme de couverture, des personnages se ruent vers l'avant-plan. Je ne suis pas sûr qu'ils se précipitent sur le marchand de glace pour lui demander des sorbets à la pastèque ou au raifort ! Les "héros" en premier plan ne sont peut-être pas armés pour rien…
Le visuel de l'écran présente un décor de nuit où se dresse une sorte de "Mister Rabbit" à l'allure peu rassurante. Un homme au déguisement d'animal est étendu contre une haie, sorte de dormeur du val à la sauce japonaise. Est-il assoupi ? Son teint blafard nous laisse dans le doute. Que peut-il bien se passer dans cette ville de nuit ?
Tout n'est pas si idyllique que ça à Yuigahama !
Ces deux visuels antinomiques ont été choisis pour mettre en valeur deux aspects de l'univers de YBS, l'un solaire et sentant bon l'huile de monoï, l'autre sombre et malsain.
Rappelez-vous : l'ambiguïté toute asiatique est très présente dans l'ADN de ce jeu ! »
« Yuigahama Bad Seeds contient en abondance des références utiles pour préparer un JDR se déroulant au Japon. Le manuel n’est pas avare d’exemples et ne se contente pas de mettre en avant les objets traditionnels régulièrement secoués sous le nez des touristes.
YBS joue plus sur l’authenticité en montrant ce qu’est l’environnement japonais hors de Tokyo ; le focus est mis sur les quartiers de seconde zone où trainent mauvais garçons et personnes vivant en marge d’un Japon « clinquant ». Personne ne s’y soucie plus de charmer les gens de passage. Le mobilier urbain (composé de beaucoup de plastique) y est tout fendillé et décoloré par des années passées au soleil, la paille des pare-soleil devant les magasins, clairsemée.
Les ressources proposées aident le MJ à visualiser ce qu’il pourra décrire aux joueurs. Une section entière du manuel y est consacrée et donne des exemples d’intérieurs japonais, de produits manufacturés et de véhicules de tous types. Ceux qui veulent voir plus loin que YBS et se constituer un solide bagage pour étoffer leurs descriptions de paysages nippons y trouveront leur affaire. »
« Le mystère, le fantastique et l'horreur sont subtilement distillés au travers des douze scénarios proposés dans Yuigahama Bad Seeds. En schématisant quelque-peu, on peut dire qu'un glissement entre ces trois genres s'opère au fur et à mesure que la situation se dégrade au cours des douze mois suivant la catastrophe initiale.
Une mutation réelle est en marche dans la cité balnéaire et les joueurs auront à cœur d'essayer d'en comprendre les causes. Toutefois, il sera compliqué de faire la part des choses en côtoyant une population à la psyché déréglée, voyant en ces phénomènes inexpliqués une résurgence de vieux mythes locaux. Paranoïa et théorie du complot brouillent les pistes, et les occasions de prendre les fauteurs de trouble la main dans le sac sont rares dans les premiers temps. L'apparition d'objets et d'animaux en dehors de leur cadre habituel inquiète les résidents, naturellement anxieux et peu enclins à changer leurs habitudes. Quelque chose a déréglé leur environnement. Quelque chose d'origine naturelle ? Surnaturelle ? Ou est-ce l'œuvre des sectes qui fleurissent en ville ?
Volontairement, YBS ne met pas en avant un des genres cités plus haut en particulier, même si certains récits forcent le trait et proposent des scènes hallucinatoires et horrifiques inspirées des œuvres de Lovecraft. L'ouï-dire, la pluralité des vérités et des ressentis évoqués dans un précédent billet sont l'essence même de YBS. Ils soutiennent cet entre-deux, ce statu quo entre trois genres dont les limites sont volontairement laissées floues. Le MJ a cependant toute latitude pour renforcer celui que sa table affectionne, car les scénarios s'y prêtent très bien. À charge pour lui de se souvenir que l'horreur à la mode japonaise joue sur une déstabilisation psychologique dans laquelle l'incertitude face à la nature de l'agresseur prime sur les effets "jump scare" et l'hémoglobine. »
En direct de Kanagawa n°4« YBS est une création hybride aux croisements de l'Orient et de l'Occident. Si le jeu se déroule dans un microcosme japonais en proie au délabrementet tente de faire expérimenter aux joueurs une angoisse ancrée dans un quotidien typique du Japon rural, les références à des œuvres occidentales n'en sont pas pour autant totalement absentes. En tant qu’auteur français, je n'ai pas jeté au loin mon bagage culturel. Les joueurs reconnaîtront certains emprunts à des œuvres qui n'ont rien de japonais, comme par exemple le joueur de flûte de Hamelin et des récits horrifiques proches d'Amityville.
YBS se veut cependant à forte consonance japonaise, pas uniquement dans ce qui tient du décorum, mais dans l'ambiguïté sous-tendue par l'intrigue et les échanges sociaux entre habitants. C'est une création volontairement cryptique et pluriforme en opposition aux récits cartésiens et monolithiques qui transcrivent généralement une vision du monde perçue par un seul individu. Qu'est-ce que ce parti-pris implique ? Pour le comprendre, rien de mieux que de se remémorer "Akira"de Katsuhiro Otomo, ou encore d'observer un des vieux paravents montrant la ville d'Edo et ses habitants.
Dans un cas comme dans l'autre, l'individu y est perdu dans la foule, noyé dans la masse et s'efface au profit de quelque-chose de plus grand qui le dépasse. En ce sens, Yuigahama est à l'instar de Neo-Tokyo une actrice du récit à part entière.
Dans YBS, il n'est pas de vérité unique. En bons cartésiens que nous sommes, nous jugeons souvent seuls des causes plausibles d'un mystère en écartant une à une les autres hypothèses. Les japonais se réfèrent d'abord au groupe. Il n'est pas de vérité unique, mais une multitude de ressentis. YBS ne se cache pas derrière cette particularité culturelle pour éviter de traiter les thèmes mis en avant. C'est cette ambiguïté liée à la vie en communauté qui est au centre de l'expérience proposée.
Qui a raison ? Comment convaincre les autres de la véracité de son témoignage ?
Quelle est la part de réel et de fantasme dans les phénomènes observés ? Autant de questions que les joueurs devront se poser pour cerner l'origine des cataclysmes secouant la ville qui les accueille. »
« Vous ne voulez pas faire la connaissance de votre voisin de palier, Monsieur Dupont, quand bien même ce serait le meilleur demi de mêlée du Monde ? Sérieusement ? En revanche vous voudriez en savoir plus sur les filles d’à côté dans votre futur quartier de Wadazuka ? Vous avez de la chance : YBS soigne aussi ses personnages non joueurs !
Yuigahama Bad Seeds vous propose pas moins de 69 PNJ dont chaque profil est richement détaillé. Pourquoi 69 ? Parce que c’est un beau chiffre évoquant le ying et le yang. Parce que, pourquoi pas ! Il y a beaucoup à apprendre de l’homme de la rue à Yuigahama. Il est loin du personnage minimaliste monté sur rails de certains jeux vidéo, vous aiguillant sur une piste unique en répétant indéfiniment la même phrase. Les PNJ de YBS ont chacun une histoire et une personnalité propres. Ils peuvent évoluer de manière autonome autour de vos PJ (ou presque) et aider à ancrer vos parties dans le réel. Ils présentent également deux autres avantages :- ils sont aisément convertibles en personnages pré-tirés pour une partie sur le pouce,- leur background étant lié aux troubles qui agitent la ville, ces personnages sont à eux seuls des débuts de scénarios exploitables par le MJ.
Qu’attendez-vous pour faire leur rencontre ? Du commerçant « tête de lard » à la midinette en pleine crise existentielle, en passant par le prof de langues afro-américain, il y en a pour tous les goûts ! »
"Les récits de Yuigahama Bad Seeds regorgent de références culturelles à un Japon rural, celui que l’on peut découvrir dans des films comme « UMIMACHI DIARY » de Kore-Eda ou « Kids Return » de Takeshi Kitano. On y suit des personnages évoluant dans une ville dont l’âge d’or n’est qu’un souvenir terni, en butte à des bouleversements sur lesquels ils ont peu de prise. La fresque se déroulant sur 12 mois (et donc 12 scénarios) fait découvrir, au rythme des saisons, une version dégradée d’évènements traditionnels japonais locaux tels que le « Menkake Gyouretsu » (défilé des masques) ou des festivals plus connus du grand public comme le Hinamatsuri ou le Tanabata. Mais YBS ne se contente pas d’utiliser ces images d’Épinal pour planter le décor. La description du cadre de vie des acteurs ainsi que de leurs mentalités et habitudes comportementales est en en soi une source d’informations importantes pour le MJ. Ces éléments scénaristiques qui sourdent au travers du récit permettent de découvrir un Japon contemporain sur le déclin, beau comme une grue portuaire bouffée par la rouille.
Avec YBS, les joueurs pourront découvrir des endroits peu mis en avant dans les jeux de rôles traitant du Japon. Ils pourront passer un moment en compagnie de la « Mama-san » de cafés rétro, assis sur des banquettes de velours élimé, traîner leurs guêtres dans des boutiques n’existant qu’au Japon, humer de la jetée l’air du large à l’odeur si particulière… YBS, c’est une expérience totale : le Japon, comme si on y était pour de vrai !"
"S’il faut choisir un mot pour caractériser Yuigahama Bad Seeds, c’est bien le mot « immersion » qui s’impose, et ce jusque dans la manière dont ont été agencés les scénarios. En effet, il ne s’agit pas d’histoires schématiques et didactiques que le maître de jeu consulte pour guider ses joueurs, ou un catalogue de scènes marquantes censées maintenir l’attention des participants. Il s’agit de nouvelles au sens littéraire du terme. Elles permettront au maître de jeu d’expérimenter, au travers de ses yeux de joueur, un univers riche en références culturelles (une liste non exhaustive fera l’objet d’un autre billet) et de s’en imprégner. Cette phase est nécessaire, d’abord pour son propre plaisir et ensuite pour faire sentir aux participants ce qui fait tout le sel d’aventures au sein de Yuigahama durant la phase de narration partagée. Car comment faire ressentir aux autres ce qu’on n’a pas soi-même expérimenté ? YBS n’abandonne pas cependant le maître de jeu au bord de la route avec son paquetage en terre étrangère. Des cartes mentales (sortes d’organigrammes), ainsi que des notes au sujet de toutes les scènes clés, permettent d’appréhender les différents déroulés alternatifs et même de prévoir des variantes aux résolutions suggérées par le manuel. Avec YBS, le maître de jeu n’est plus un simple interprète de choses déjà couchées sur le papier. Il est celui venu un peu en avance arpenter la ville et y découvrir ses secrets (comme s’il relatait les événements enregistrés dans un found footage) !"
En direct de Kanagawa n°9
« À une époque où foisonnent les créations originales proposant de jouer sans MJ, de se partager sa tâche à tour de rôle, de jouer seul ou sans dés, comment peut-on qualifier Yuigahama Bad Seeds ?
J'ai tendance à considérer ce jeu comme faisant partie de la mouvance narrativiste,
dans la mesure où les participants autres que le MJ peuvent influer sur les ressorts
narratifs par le biais de différents leviers. De manière ponctuelle, ils sont même autorisés (encouragés !) à modifier le contenu d'une scène. Cela est fait en accord avec le MJ qui peut ou non valider la proposition du joueur selon la vraisemblance de ce qu'il propose.
Le système du jeu est simple et ne vise pas à simuler précisément les actions des joueurs, mais à maintenir une certaine fluidité des échanges et des interactions (et aussi l’entraide !)
Le plaisir de jeter des dés et de s'en remettre au hasard n'est pas absent, mais c'est bien une forme de narration construite par les participants et orchestrée par le MJ qui prend le pas sur le côté technique de la partie.
YBS n'est pas un jeu "free form". Il possède des balises qui, bien que peu contraignantes, permettent à la fois au joueur de savoir précisément en quoi il peut influer sur le cours de l'histoire et au MJ d'éviter les "débordements". En plus des jets de dés, YBS propose l'utilisation d'une monnaie d'échange nommée "jetons Unmei" (jetons de destin). Elle s’échange entre participants ou peut être donnée par le maître du jeu (qui fait office de « banque ») lorsque ce dernier se sert de l’attribut d’un PJ pour le mettre en difficulté. Ces jetons peuvent être utilisés durant les jets et servir pour changer le cadrage d’une scène. Le MJ restant la personne qui valide, on peut dire qu'YBS reste assez classique. Mais le jeu propose une mécanique originale (dont tous les éléments ne sont pas présentés ici) où le joueur peut, s'il le désire, ajouter des détails à l'intrigue et influer sur le cours du récit, davantage que dans de nombreux autres jeux. »
En direct de Kanagawa n°8
« Différentes facettes de l’univers de YBS ont été évoquées lors des précédents billets, mais je n’ai pas encore présenté les éléments antagonistes qu’affronteront les PJ au cours de leur « séjour » à Yuigahama. Bien sûr, ils feront face aux bouleversements supposément environnementaux qu’a provoqués la catastrophe initiale. Un mal sournois et insaisissable ronge la cité, les infrastructures de la ville semblent péricliter et les habitants sont sujets à des troubles jusque-là encore jamais éprouvés. Mais, concrètement, contre quoi ou qui vont se battre les PJ ? Y-a-t’il un bestiaire dans Yuigahama Bad Seeds ?
Le bestiaire, au sens classique du terme, n’existe pas dans YBS. Tout simplement parce que les animaux ont toujours été présents dans les différentes zones de la ville et que l’on ne considère pas ici l’humain comme un potentiel monstre errant. Les animaux utilisés dans les scénarios surgissent de manière incongrue en ville et peuvent parfois représenter une menace. Mais ils ne constituent en rien des catégories d’êtres vivants répertoriées et connues en tant qu’ennemis. Ils sont en général aussi déboussolés que la population et peuvent débouler devant les PJ sur les sentiers forestiers, ou même dans les quartiers ou la zone côtière.
YBS n’utilise pas le foisonnement de monstres contenus dans un bestiaire comme centre d’intérêt du jeu. Les animaux au comportement parfois étrange sont à l’image des entités s’opposant à Ico et Yorda dans « ICO » : ce n’est pas le nombre de leurs variations qui présente un intérêt, mais plutôt leur nature parfois corrompue. A contrario, le MJ est tout à fait libre d’ajouter les variétés d’animaux qui lui plaisent aux iguanes, araignées et créatures aquatiques peuplant les récits d’YBS.
S’il y a un ennemi dans Yuigahama Bad Seeds, c’est bien l’humain lui-même, qu’il s’agisse des bandes ou d’habitants sans histoire ayant perdu leurs nerfs.
Il est à noter qu’YBS n’encourage pas la violence, quand bien même les armes (souvent du matériel de récup’) existeraient et seraient à disposition des PJ. Le but est souvent d’être dissuasif, d’éviter les conflits pour progresser vers son objectif. Etre prêt à en découdre ne coûte rien. Utiliser sa tête autant que possible est recommandé (non, je ne parle pas de coups de boule !) »
En direct de Kanagawa n°7
« Aujourd'hui, je souhaite vous parler brièvement des visuels retenus pour la couverture
et l'écran de Yuigahama Bad Seeds. Le contraste entre les deux atmosphères peut étonner ! La couverture présente des personnages devant les bâtiments proches de la marina. Les couleurs sont vives, le soleil haut dans le ciel, on peut imaginer le cri des mouettes et l'odeur de l'iode. C'est l'aspect "paradisiaque" de la cité balnéaire. Les personnages sont d'âges et de sexes différents et apparemment des habitants lambda plus que des aventuriers. L'un d'eux relève son masque d'ogre et invite à faire un pas en avant pour pénétrer dans la zone. Il n'y a pas à première vue de menace aux alentours. Mais en y regardant de plus près, d'étranges lianes-filaments semblent parcourir le sol et la façade en arrière-plan. En 4eme de couverture, des personnages se ruent vers l'avant-plan. Je ne suis pas sûr qu'ils se précipitent sur le marchand de glace pour lui demander des sorbets à la pastèque ou au raifort ! Les "héros" en premier plan ne sont peut-être pas armés pour rien…
Le visuel de l'écran présente un décor de nuit où se dresse une sorte de "Mister Rabbit" à l'allure peu rassurante. Un homme au déguisement d'animal est étendu contre une haie, sorte de dormeur du val à la sauce japonaise. Est-il assoupi ? Son teint blafard nous laisse dans le doute. Que peut-il bien se passer dans cette ville de nuit ?
Tout n'est pas si idyllique que ça à Yuigahama !
Ces deux visuels antinomiques ont été choisis pour mettre en valeur deux aspects de l'univers de YBS, l'un solaire et sentant bon l'huile de monoï, l'autre sombre et malsain.
Rappelez-vous : l'ambiguïté toute asiatique est très présente dans l'ADN de ce jeu ! »
En direct de Kanagawa n°6
« Yuigahama Bad Seeds contient en abondance des références utiles pour préparer un JDR se déroulant au Japon. Le manuel n’est pas avare d’exemples et ne se contente pas de mettre en avant les objets traditionnels régulièrement secoués sous le nez des touristes.
YBS joue plus sur l’authenticité en montrant ce qu’est l’environnement japonais hors de Tokyo ; le focus est mis sur les quartiers de seconde zone où trainent mauvais garçons et personnes vivant en marge d’un Japon « clinquant ». Personne ne s’y soucie plus de charmer les gens de passage. Le mobilier urbain (composé de beaucoup de plastique) y est tout fendillé et décoloré par des années passées au soleil, la paille des pare-soleil devant les magasins, clairsemée.
Les ressources proposées aident le MJ à visualiser ce qu’il pourra décrire aux joueurs. Une section entière du manuel y est consacrée et donne des exemples d’intérieurs japonais, de produits manufacturés et de véhicules de tous types. Ceux qui veulent voir plus loin que YBS et se constituer un solide bagage pour étoffer leurs descriptions de paysages nippons y trouveront leur affaire. »
En direct de Kanagawa n°5
« Le mystère, le fantastique et l'horreur sont subtilement distillés au travers des douze scénarios proposés dans Yuigahama Bad Seeds. En schématisant quelque-peu, on peut dire qu'un glissement entre ces trois genres s'opère au fur et à mesure que la situation se dégrade au cours des douze mois suivant la catastrophe initiale.
Une mutation réelle est en marche dans la cité balnéaire et les joueurs auront à cœur d'essayer d'en comprendre les causes. Toutefois, il sera compliqué de faire la part des choses en côtoyant une population à la psyché déréglée, voyant en ces phénomènes inexpliqués une résurgence de vieux mythes locaux. Paranoïa et théorie du complot brouillent les pistes, et les occasions de prendre les fauteurs de trouble la main dans le sac sont rares dans les premiers temps. L'apparition d'objets et d'animaux en dehors de leur cadre habituel inquiète les résidents, naturellement anxieux et peu enclins à changer leurs habitudes. Quelque chose a déréglé leur environnement. Quelque chose d'origine naturelle ? Surnaturelle ? Ou est-ce l'œuvre des sectes qui fleurissent en ville ?
Volontairement, YBS ne met pas en avant un des genres cités plus haut en particulier, même si certains récits forcent le trait et proposent des scènes hallucinatoires et horrifiques inspirées des œuvres de Lovecraft. L'ouï-dire, la pluralité des vérités et des ressentis évoqués dans un précédent billet sont l'essence même de YBS. Ils soutiennent cet entre-deux, ce statu quo entre trois genres dont les limites sont volontairement laissées floues. Le MJ a cependant toute latitude pour renforcer celui que sa table affectionne, car les scénarios s'y prêtent très bien. À charge pour lui de se souvenir que l'horreur à la mode japonaise joue sur une déstabilisation psychologique dans laquelle l'incertitude face à la nature de l'agresseur prime sur les effets "jump scare" et l'hémoglobine. »
En direct de Kanagawa n°4 « YBS est une création hybride aux croisements de l'Orient et de l'Occident. Si le jeu se déroule dans un microcosme japonais en proie au délabrementet tente de faire expérimenter aux joueurs une angoisse ancrée dans un quotidien typique du Japon rural, les références à des œuvres occidentales n'en sont pas pour autant totalement absentes. En tant qu’auteur français, je n'ai pas jeté au loin mon bagage culturel. Les joueurs reconnaîtront certains emprunts à des œuvres qui n'ont rien de japonais, comme par exemple le joueur de flûte de Hamelin et des récits horrifiques proches d'Amityville.
YBS se veut cependant à forte consonance japonaise, pas uniquement dans ce qui tient du décorum, mais dans l'ambiguïté sous-tendue par l'intrigue et les échanges sociaux entre habitants. C'est une création volontairement cryptique et pluriforme en opposition aux récits cartésiens et monolithiques qui transcrivent généralement une vision du monde perçue par un seul individu. Qu'est-ce que ce parti-pris implique ? Pour le comprendre, rien de mieux que de se remémorer "Akira"de Katsuhiro Otomo, ou encore d'observer un des vieux paravents montrant la ville d'Edo et ses habitants.
Dans un cas comme dans l'autre, l'individu y est perdu dans la foule, noyé dans la masse et s'efface au profit de quelque-chose de plus grand qui le dépasse. En ce sens, Yuigahama est à l'instar de Neo-Tokyo une actrice du récit à part entière.
Dans YBS, il n'est pas de vérité unique. En bons cartésiens que nous sommes, nous jugeons souvent seuls des causes plausibles d'un mystère en écartant une à une les autres hypothèses. Les japonais se réfèrent d'abord au groupe. Il n'est pas de vérité unique, mais une multitude de ressentis. YBS ne se cache pas derrière cette particularité culturelle pour éviter de traiter les thèmes mis en avant. C'est cette ambiguïté liée à la vie en communauté qui est au centre de l'expérience proposée.
Qui a raison ? Comment convaincre les autres de la véracité de son témoignage ?
Quelle est la part de réel et de fantasme dans les phénomènes observés ? Autant de questions que les joueurs devront se poser pour cerner l'origine des cataclysmes secouant la ville qui les accueille. »
En direct de Kanagawa n°3
« Vous ne voulez pas faire la connaissance de votre voisin de palier, Monsieur Dupont, quand bien même ce serait le meilleur demi de mêlée du Monde ? Sérieusement ? En revanche vous voudriez en savoir plus sur les filles d’à côté dans votre futur quartier de Wadazuka ? Vous avez de la chance : YBS soigne aussi ses personnages non joueurs !
Yuigahama Bad Seeds vous propose pas moins de 69 PNJ dont chaque profil est richement détaillé. Pourquoi 69 ? Parce que c’est un beau chiffre évoquant le ying et le yang. Parce que, pourquoi pas ! Il y a beaucoup à apprendre de l’homme de la rue à Yuigahama. Il est loin du personnage minimaliste monté sur rails de certains jeux vidéo, vous aiguillant sur une piste unique en répétant indéfiniment la même phrase. Les PNJ de YBS ont chacun une histoire et une personnalité propres. Ils peuvent évoluer de manière autonome autour de vos PJ (ou presque) et aider à ancrer vos parties dans le réel. Ils présentent également deux autres avantages : - ils sont aisément convertibles en personnages pré-tirés pour une partie sur le pouce, - leur background étant lié aux troubles qui agitent la ville, ces personnages sont à eux seuls des débuts de scénarios exploitables par le MJ.
Qu’attendez-vous pour faire leur rencontre ? Du commerçant « tête de lard » à la midinette en pleine crise existentielle, en passant par le prof de langues afro-américain, il y en a pour tous les goûts ! »
En direct de Kanagawa n°2
"Les récits de Yuigahama Bad Seeds regorgent de références culturelles à un Japon rural, celui que l’on peut découvrir dans des films comme « UMIMACHI DIARY » de Kore-Eda ou « Kids Return » de Takeshi Kitano. On y suit des personnages évoluant dans une ville dont l’âge d’or n’est qu’un souvenir terni, en butte à des bouleversements sur lesquels ils ont peu de prise. La fresque se déroulant sur 12 mois (et donc 12 scénarios) fait découvrir, au rythme des saisons, une version dégradée d’évènements traditionnels japonais locaux tels que le « Menkake Gyouretsu » (défilé des masques) ou des festivals plus connus du grand public comme le Hinamatsuri ou le Tanabata. Mais YBS ne se contente pas d’utiliser ces images d’Épinal pour planter le décor. La description du cadre de vie des acteurs ainsi que de leurs mentalités et habitudes comportementales est en en soi une source d’informations importantes pour le MJ. Ces éléments scénaristiques qui sourdent au travers du récit permettent de découvrir un Japon contemporain sur le déclin, beau comme une grue portuaire bouffée par la rouille.
Avec YBS, les joueurs pourront découvrir des endroits peu mis en avant dans les jeux de rôles traitant du Japon. Ils pourront passer un moment en compagnie de la « Mama-san » de cafés rétro, assis sur des banquettes de velours élimé, traîner leurs guêtres dans des boutiques n’existant qu’au Japon, humer de la jetée l’air du large à l’odeur si particulière… YBS, c’est une expérience totale : le Japon, comme si on y était pour de vrai !"
En direct de Kanagawa n°1
"S’il faut choisir un mot pour caractériser Yuigahama Bad Seeds, c’est bien le mot « immersion » qui s’impose, et ce jusque dans la manière dont ont été agencés les scénarios. En effet, il ne s’agit pas d’histoires schématiques et didactiques que le maître de jeu consulte pour guider ses joueurs, ou un catalogue de scènes marquantes censées maintenir l’attention des participants. Il s’agit de nouvelles au sens littéraire du terme. Elles permettront au maître de jeu d’expérimenter, au travers de ses yeux de joueur, un univers riche en références culturelles (une liste non exhaustive fera l’objet d’un autre billet) et de s’en imprégner. Cette phase est nécessaire, d’abord pour son propre plaisir et ensuite pour faire sentir aux participants ce qui fait tout le sel d’aventures au sein de Yuigahama durant la phase de narration partagée. Car comment faire ressentir aux autres ce qu’on n’a pas soi-même expérimenté ? YBS n’abandonne pas cependant le maître de jeu au bord de la route avec son paquetage en terre étrangère. Des cartes mentales (sortes d’organigrammes), ainsi que des notes au sujet de toutes les scènes clés, permettent d’appréhender les différents déroulés alternatifs et même de prévoir des variantes aux résolutions suggérées par le manuel. Avec YBS, le maître de jeu n’est plus un simple interprète de choses déjà couchées sur le papier. Il est celui venu un peu en avance arpenter la ville et y découvrir ses secrets (comme s’il relatait les événements enregistrés dans un found footage) !"